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22 Jul
22Jul

Composer une œuvre d’une telle complexité harmonique et instrumentale en une seule nuit, comme le prétendit Rouget de Lisle, aurait certes été un exploit. Alors, avant de saluer le génie (pas uniquement militaire) de cet homme, je vous invite à voyager un peu dans l’univers musical de cette époque. 

Tenez par exemple l’Allegro maestoso du concerto pour piano n° 25 de Mozart, composé en 1786. N’annonce-t-il pas les premières notes de la Marseillaise ?

Mais il y a plus fort : en 1787, soit cinq ans avant la Marseillaise, Jean-Baptiste Lucien Grisons, Maître de Chapelle de la Cathédrale de Saint-Omer, compose à la gloire du Roi, un oratorio dénommé Esther, et dont voici l'introduction...


Rouget de Lisle, stationné à Saint-Omer, célèbre ville garnison de l’époque, ne l’y aurait-il pas entendu ?

La partition de cet oratorio se trouve d’ailleurs à la Bibliothèque d’Agglomération de Saint-Omer, entre un first-folio de Shakespeare et un des rares exemplaires de la Bible de Gutenberg. Rien de moins. Mais continuons à remonter le temps... 

Le 2 mars 1781, nous sommes onze ans avant cette fameuse nuit d’avril 1792 qui inspira tant Rouget de Lisle, un violoniste et compositeur italien nommé Giovanni Battista Viotti, signe un «Thème et variations en Do majeur» qui balayera nos derniers doutes :


Do majeur... comme la Marseillaise ! 

Alors, Rouget de Lisle un plagiaire ? Nous n'entrerons pas dans les querelles d'historiens. Certes, il s’attribua la paternité de la Marseillaise avec un prompt opportunisme (car il était royaliste !), mais il faut surtout savoir qu'à cette époque, travailler ou improviser sur des airs connus, populaires, était un exercice auquel tous les musiciens se sont livrés, à l’instar des célèbres Folies d’Espagne, ou des airs italiens de Vivaldi, réorchestrés par Bach par exemple. La notion de droit d’auteur n’existait pas encore, et la musique était un bien public qui voyageait librement à travers les pays, et que les musiciens se contentaient de servir, avec sérieux et modestie.